L'évaluateur au travail
Cet article met en évidence les différentes tensions du travail de l’évaluateur aux prises avec les expérimentations sociales. Tout d’abord, alors que ce dernier se doit d’être neutre vis-à-vis de l’expérimentation, il constitue de fait un binôme avec le porteur de projet. Porteurs et évaluateurs sont donc dans l’obligation de s’accorder non seulement sur l’innovation à tester, mais aussi sur la méthode d’évaluation à initier. Une fois cet accord trouvé, la mise en oeuvre concrète du dispositif oblige le binôme à réévaluer en permanence le partage
des tâches, ce qui peut être source de vives tensions.
Par ailleurs, alors que sur le plan épistémologique deux options s’affrontent –un modèle de l’expérimentation contrôlée et randomisée où les chercheurs restent à distance de l’évaluation et testent toutes choses égales par ailleurs la pertinence du dispositif et un second modèle de l’évaluation endo-formative dans lequel l’évaluateur reste en dialogue permanent avec le porteur de projet –notre enquête met à jour le fait que quelle que soit l’option retenue, l’opération qui consiste à évaluer une expérimentation n’est jamais sans effet sur l’expérimentation elle-même. Dans la randomisation, le choix même de la méthode conditionne le type de politique publique mis à l’épreuve, alors que dans l’évaluation endo-formative, ce sont les interactions régulières entre porteurs et évaluateurs qui font évoluer le dispositif testé.
Enfin, il semble clair qu’évaluation et décision politique fonctionnent, pour l’heure, de manière étanche. Le politique a sans doute plus besoin de la légitimité de la science pour lancer un programme expérimental, que de la rigueur de l’analyse et de la précision des résultats pour décider de l’étendre ou de le supprimer. (résumé)